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"Blaphemous rumours" est le vingtième dessin de "Squares : Aphorismes graphiques". Comme pour de nombreux autres dessins, il y a une double référence : d'une part aux attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center, à New York (USA), et d'autre part à un morceau du groupe Depeche Mode :"Blasphemous rumours" sorti en 1984.
Les génèses sont des thématiques récurrentes dans mon travail : c'est encore le cas dans cette pièce puisque ces deux items chronologiques ont eu, à des échelle différentes, une influence majeure sur le cours de mon existence et sur celle du monde.
Depeche Mode est le premier groupe dont je sois devenu fan étant adolescent. C'est un ami polonais, Marek, qui me les fait découvrir alors que je suis interne au lycée Pasteur à Oran (Algérie). À cette époque j'ai déjà acheté quelques cassettes de Jean-Michel Jarre et l'Album "Thriller" de Michael Jackson, mais la découverte de DM va définir mes gouts musicaux pour les années à venir, ainsi que probablement un partie de mes choix philosophiques.
Je parle anglais depuis l'âge de 11 ans : fils d'un professeur d'anglais et d'une professeure de français, mes performances dans ces deux matières sont scrutées avec la plus stricte exigence durant toute ma scolarité. Culturellement cela signifie que je navigue indifféremment entre ces deux univers et quand de nombreux camarades apprécient la musique anglo-saxonne principalement pour sa sonorité, j'en apprécie aussi les textes. Au niveau de ma pratique artistique, je passe toujours de l'une à l'autre sans y prêter particulièrement attention.
Martin Gore et Dave Gahan les deux paroliers de Depeche Mode impriment à leur poésie une forte orientation athée, humaniste et romantique voire dépressive. "Blasphemous rumours" est un texte sur le cynisme de la foi et l'ironie de de la vie dont le refrain commence par "Je ne voudrais pas commencer à répandre des rumeurs blasphématoires, mais...".
Le travail graphique souvent splendide réalisé sur les pochettes des albums et singles de DM a été parmi les premiers objets plastiques qui m'ont sensibilisés à l'art en général.
Le 11 septembre 2001, le siècle naissant comprend qu'aucun état n'est invincible et révèle à ceux pour qui les USA sont la figure de proue du modèle occidental, que cette fédération est un colosse aux pieds d'argile. Le caractère irréel de l'évènement et la sidération générale qui s'en suit va pousser un grand nombre d'esprits hors des chemins de la rationalité vers ceux de ce que l'on va vite appeler "les théories du complot".
La croyance remplace le réel : ceux qui osent critiquer ces hypothèses souvent folles sont traités avec la même haine que ceux qui critiquaient les dogmes religieux il n'y a pas si longtemps. Mais ceux qui ne se rendent pas intégralement à la version officielle subissent également le même sort. Ces commérages fantasmatiques deviennent un marqueur d'appartenance à l'un de ces groupes culturels, une de ces classes culturelles avec une forte connotation politique, le complotisme étant devenu un moyen de propagande souvent associé aux antiennes de l'extrême-droite. Le retour du terme "blasphème" dans la sphère médiatique est aussi un signe alarmant du retour de la censure religieuse, pour l'instant contenu aux marges du débat public dans la plupart des démocraties.
Remplacer les panaches de fumée du WTC, marqués dans les mémoires de ceux qui ont assisté à la retransmission planétaire de cet évènement, par un panache de fleurs est un moyen ironique de souligner le total détachement du réel dont font parfois preuve ceux qui répandent ces rumeurs blasphématoires.
Mais ce n'est qu'un dessin.
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