Un dessin n'est jamais simple. Une
dessin n'est jamais aussi évident qu'on serait en droit de le penser
en première analyse.
Ce matin, je suis retourné aux sources de ma pratique, à mon enfance et à mon adolescence.
Ce dessin parle d'un chemin, d'une passion et d'interdits.
J'apprends à dessiner en autodidacte à une époque où il n'existe pas de tutos pour simplifier l'accès à l'information et à l'apprentissage, ni de logiciels ou de tablettes pour faire semblant de dessiner.
C'est la presse qui commence mon éducation au dessin : tout d'abord « Mickey magazine », « Pif Gadget » et les rares parutions sur Goldorak. Puis il y a « Pilote », « L'écho des savanes », et ma bible mensuelle : « Métal Hurlant ».
Mais il y a d'autres sources : les magazines automobiles.
À l'école, puis au collège et enfin au lycée, j'en ai tellement marre que les autres élèves me demandent (puisque j'étais « celui qui sait dessiner ») inlassablement de dessiner des femmes nues que j'en viens à ne dessiner que des voitures.
Pour avoir la paix.
Mes sources d'inspiration sont « Chromes & Flammes », « Nitro » et à peu près toutes les parutions concernant les voitures américaines, dont les séries « Starsky et Hutch » et « Shérif, fais-moi peur » m'ont rendu éperdument amoureux.
Je passe de longues heures à essayer de reproduire ces paquebots routiers, leurs calandres chromées agressives et leurs pneus et moteurs énormes.
Je compulse ces trésors visuels en cachette pendant les cours, mes magazines intercalés dans mes cahiers. Je me souviens m'être fait surprendre en plein cours d'éducation religieuse, alors que je suis au collège chez les jésuites, en train de scruter les photos d'une Corvette à la superbe robe violette Candy Flake et dotée d'un obscène moteur de dragster dépassant vigoureusement de son capot avant.
Ce que j'apprends dans ces magazines m'est infiniment plus bénéfique que ce que l'on essaye de me faire rentrer dans le cerveau à ce moment là.
Les voies du dessin sont impénétrables.
Le premier grand interdit viendra de mon père qui, malgré des résultats scolaires assez corrects, m'assènera un définitif « tu ne gagneras jamais ta vie en dessinant des voitures» (j'oublie souvent le « des voitures » lorsque j'en parle).
Après une année de troisième chaotique, il m'envoie en lycée hôtelier, en Irlande.
Je reviends rapidement à un cursus scolaire « normal » après avoir passé avec succès un diplôme de restauration anglais dont je ne veux pas.
Il me faudra attendre quelques années et commettre quelques erreurs ( Bac éco, 2 premières années de droit), pour arriver à une école que j'espérais paradisiaque.
Les interdits suivants viendront de l'endroit où j'aurais le moins craint d'en croiser : les beaux-arts. Ceux qui me lisent régulièrement savent que cet endroit est pour moi un lieu paradoxal à la fois d'épanouissement et d'inhibition voire d'humiliation.
Toute forme de culture populaire y est ouvertement méprisée et raillée par la majorité des enseignants, surtout en section "art".
Le premier coup m'est porté lors de mon entretien d'admission : « vous savez dessiner, ça sera un handicap pour vous » me dit un professeur.
Il compulse avec dédain l'épais tas de dessin, principalement de voitures -dont je suis si fier. Je pensais montrer ainsi ma passion pour l'art enfin ce que je considérais comme tel) et la pertinence de ma demande d'admission, j'ai tord.
Mais je suis tout de même admis.
Les années qui suivent sont du même tonneau, un mouvement de balancier continu entre appréciation (je suis quand même arrivé jusqu'au diplôme) et mépris : la première fois, mon passage de diplôme est torpillé par l'un des profs de l'école, un Taliban du in-situ, sous le regard interloqué des deux autres membres du jury qui ne comprennent pas son acharnement punitif.
La deuxième fois, sous d'autres auspices, cela ne sera qu'une formalité.
Pour en revenir à ce dessin, ce week-end, au salon Retro Mecanic, j'ai partagé avec mes deux amis artistes #Prooz et #astustwo quelques heures au milieu de nombreux véhicules, pas forcément tous exceptionnels, mais tous touchants car empreints de leur propre histoire.
De plus l'un de mes acolytes dessine les voitures avec maîtrise et talent ce qui a fait bouillonner chez moi l’envie de ressortir mes crayons pour revenir aux sources et briser une autre chaîne.
Ce à quoi j'ai pensé durant le temps du dessin n'a absolument rien à voir avec ce qui est présent sur la feuille, mais ce dessin vous parle de qui je suis et de ce que j'ai vécu plus que vous ne le pensez.
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