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Caspar David Friedrich (1774-1840) est l'un de mes peintres favoris. Ses mises en scènes du sublime de la nature, de l'homme face au monde, sont parfois impossibles à dater tant le traitement du sujet est dépourvu des maniérismes de son époque. Il a su capter l'intemporel du monde dans son essence.
"Le voyageur contemplant une mer de nuages" (1818) est l'une de ses œuvres les plus connues. C'est aussi l'un des mes tableaux préférés de l'époque dite du "romantisme allemand" avec "L'île des morts" (circa 1880) d'Arnold Böcklin (1827-1901).
La théâtralisation du paysage, sa dramatisation, semble me proposer une scène où j'aime à me projeter, hors du temps, hors de l'espace conventionnel : un lieu mental : un glacier, une cathédrale en ruine, une île, une mer de nuages.
Maintenant, si l'on projette sur ce lieu idéalisé une bonne dose de réel, que l'on sort du paradigme idéal de monsieur Friedrich, que l'on y transpose notre biotope tel qu'il est désormais : que contemplons nous ?
La mer de nuages devient un fog, l'agglomération des fumées d'usine et de tous les gaz résultant de l'activité humaine.
Quant au promontoire rocheux peint sur la toile originale, le voici devenu l'épave d'une voiture, ce symbole de la plus absolue gabegie écocide de l'ére industrielle. Faire acheter à des masses de consommateurs un objet coûtant l'équivalent de plusieurs années de salaire (de vie), nécessitant des quantités de matières gigantesques pour fournir un service limité, tout en étant inutile durant la plus grande partie de son existence fonctionnelle, pour finir empilé par centaines sur des terrains vagues et très partiellement recyclé quand cela est possible.
Symbole d'une liberté illusoire, puisque la voiture enchaîne son propriétaire à un coûteux système de financement, de taxation,de législation, de maintenance durant toute le temps de sa "propriété". Elle contraint aussi la société à s'organiser à son bénéfice de la plus dysfonctionnelle des façons, au mépris de l'intérêt commun, au mépris de la nature.
Illusion, parmi tant d'autres aberrations dans lesquelles se réfugient de nombreuses personnes depuis les superstitions jusqu'à leurs versions actuelles, les "théories du complot" (encore "Theos"). La "Flat earth theory", la théorie de la terre plate, est l'une des plus absolument ridicules de ces divagations pourtant si répandues.
La terre n'est pas plate, les légions de satellites qui orbitent à chaque instant autour de notre globe n'en seraient qu'une preuve supplémentaire si cela ne faisait pas des siècles que cela était communément admis. Mais l'embourgeoisement de nos sociétés et le désœuvrement morbide qui en est la conséquence directe enkyste les esprits dans leurs zones de confort quitte à nier le réel le plus évident.
"Fat earth theory", théorie de la terre grasse.
Une graisse malsaine, qui sclérose et nécrose la nature, les sociétés et les consciences qui les composent et qui nous cantonnent, comme le voyageur observant une mer de nuages, à être spectateurs de notre décomposition.
Mais ce n'est qu'un dessin.
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